vendredi 25 mars 2016

Quand la République frappe, mutile et tue ses propres enfants



Il parait que la France est la patrie des droits de l'homme. Avec l'état d'urgence en voie de constitutionnalisation, elle est surtout devenue la patrie du non droit et des bavures policières. Aujourd'hui, plus qu'hier, les violences policières sont de plus en plus nombreuses et toujours aussi peu sanctionnées, preuve s'il en fallait qu'elles sont bien le fruit d'un système et non le fait de quelques fonctionnaires ultra violents.

Il est 06.30 ce matin du 24 mars lorsque des élèves du lycée Bergson à Paris placent des poubelles devant leur établissement afin de protester contre la nouvelle loi travail que veut leur imposer le gouvernement. Vers 09.30, des policiers en civil arrivent, puis d'autres, casqués, armés de boucliers et de gazeuses. Des jeunes jettent de la farine et des oeufs dans leur direction, la riposte est immédiate et totalement disproportionnée: gaz lacrymogène, interpellations et violences. Un témoin raconte: " Les policiers ont chargé, ils ont commencé à distribuer des coups de matraque et des balayettes, puis ont tiré des gaz lacrymogènes. Nous sommes tous partis vers l'avenue Bolivar".

Un peu plus loin, un lycéen est violemment interpellé par des policiers: "Ils l'ont rattrapé, ils lui ont fait une balayette, il est tombé au sol et ils l'ont gazé, avant de lui mettre des coups de pied".
Un autre lycéen de 15 ans, noir, est mis au sol par 3 policiers qui lui hurlent dessus: "lève-toi, lève-toi". Le jeune homme se relève. Il est tenu par les policiers et n'oppose aucune résistance. Le même policier qui lui ordonnait de se relever lui assène alors un très violent coup de poing en plein visage qui le renverse. Sa tête heurte lourdement le sol.

Un autre lycéen filme la scène sur son téléphone puis la met en ligne (1). Elle devient virale et, une fois n'est pas coutume, la totalité des médias français relatent les faits.

Une impunité quasi systématique des policiers

Le soir même, Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur ne condamne pas les agissements policiers et se déclare simplement "choqué" par les images. Il précise que l'IGPN est saisie et qu'une enquête administrative est en cours. Le policier responsable lui, n'est même pas suspendu.
L'IGPN... L'Inspection Générale de la Police Nationale... Des policiers qui enquêtent sur d'autres policiers. Un peu comme si on demandait à Cahuzac de lutter contre la fraude fiscale. Une vaste rigolade.
Rien que pour l'année 2104, l'IGPN a traité 876 enquêtes contre des fonctionnaires de police, dont la moitié pour des accusations de violences policières.
Il y a exactement une semaine, l'Organisation Non Gouvernementale ACAT (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture) publiait une enquête sur 89 cas de bavures policières entre 2005 et 2015. (2)
Sur les 89 cas étudiés par l'ACAT se trouvent 26 décès et 29 blessures irréversibles.

Dans 80% des cas, les policiers responsables ne sont pas condamnés !!!

Ce rapport précise: " Aujourd’hui, les forces de l’ordre françaises jouissent d’une relative impunité lorsqu’elles sont responsables de violences qui violent les principes de proportionnalité et de nécessité. »

Le mécanisme policier pour couvrir les bavures est bien huilé. Généralement les fonctionnaires mis en cause portent plainte contre leurs victimes pour outrage et rébellion après s'être procuré des certificats médicaux avec des interruption temporaire de travail. Le tout assaisonné d'une demande de dommages et intérêts pour le préjudice subit. Que vaut la parole d'un simple citoyen contre celle d'un fonctionnaire de l'état assermenté ? Rien.
Quand une simple plainte avec ITT ne suffit pas pour retourner la situation, les policiers n'hésitent pas à rédiger de faux procès-verbaux. A Aulnay-sous-bois en septembre 2010 par exemple, des policiers avaient tenté de faire croire qu'un automobiliste leur avait foncé dessus. Celui-ci risquait la cour d'assise et une lourde peine criminelle pour un acte qu'il n'avait jamais commis. (3)

Plus récemment, un supporter de foot de 22 ans, étudiant en master de gestion, a été mutilé par un tir de flashball au visage. La police, relayée par le procureur de la République a oser affirmer que l'étudiant était tombé tout seul sur un poteau... (4)

Enfin, plus de 16 mois après la mort de Rémi Fraisse, le militant écologiste de 21 ans tué par un gendarme lors des protestations contre le barrage de Sivens, de nouveaux témoins qui n'avaient jamais parlé aux autorités policières chargées de l'enquête, apportent un nouvel élément capital. Quand il a été tué, Rémi avait les bras en l'air et il criait: "arrêtez de tirer".
L'enquête interne, confiée à l'équivalent de l'IGPN chez les gendarmes a conclu un mois après les faits qu'aucune " faute professionnelle " n'avait été commise par les gendarmes.
Et oui. Vous ne saviez pas ? Lancer une grenade sur un jeune qui a les mains en l'air et le tuer, ce n'est pas une faute. Vous savez maintenant. Et surtout toutes les forces de police et de gendarmerie le savent. Continuez à tuer, vous ne risquez rien.

La jeunesse, priorité de Hollande... et de la police

Le 10 mars 2016, face à la montée de la colère des étudiants contre la loi travail, François Hollande déclarait à propos de la jeunesse: " C’était ma priorité, elle ne changera pas. Jusqu’à la fin du quinquennat, la jeunesse aura des ressources qui seront dégagées pour elle. "
Des ressources ? Quelles ressources ? Avec un taux de chômage de 26% chez les moins de 25 ans, la France est un des pays d'Europe où la situation des jeunes est la pire. A titre de comparaison, le taux de chômage chez les jeunes est de 5% en Allemagne.
Tu en veux des ressources ? Tiens, en attendant prends cette droite et ferme là. Je t'en filerai moi des ressources... Estime-toi heureux que je ne t'ai mis que mon poing dans la gueule, tu as échappé au tir de flashball dans l'oeil.

Cette agression intolérable doit servir d'exemple. Soit le policier n'a pas agit sur ordre et alors il doit être immédiatement suspendu avant d'être licencié de la police pour avoir salit son uniforme et sa profession en agissant comme un voyou.
Soit il a agit sur ordre, en suivant des consignes de répression des mouvements étudiants et alors c'est le ministre lui-même qui doit être viré comme un malpropre ainsi que tout ce gouvernement qui veut interdire à la jeunesse de manifester son opposition à une politique inefficace et dangereuse qui plonge le pays dans le chaos.

Le lendemain, vendredi 25 mars, des lycéens se sont regroupés pour protester contre les violences policières. Ils ont attaqué 2 commissariats. A force de protéger systématiquement ses brebis galeuses, la police, la justice et la République vont se couper définitivement d'une génération qui se sent déjà largement abandonnée. Nul ne pourra alors prévoir ce qui se passera avec des jeunes qui savent qu'aucune autre justice ne leur sera rendue que celle qu'ils se feront eux-mêmes.


© Guillaume Bonnet AFP


(4) http://philippealain.blogspot.fr/2016/02/reims-bastia-un-poteau-agresse-et.html

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire