jeudi 30 avril 2015

Quand Valérie Pécresse proposait des gilets pare-balles contre l'hébergement d'urgence

Ou comment déshabiller les pauvres pour habiller la police.

Rappel des prouesses de Valérie Pécresse, future cheffe de file de l'UMP aux régionales en Ile-de-France

Vendredi 2 décembre 2011, lors d'une séance à l'assemblée nationale, la ministre du budget, Valérie Pécresse a encore donné un exemple pathétique des priorités du gouvernement Sarkozy et de son mépris pour les plus pauvres.
Elle a tout simplement proposé un amendement visant à prélever 2 millions d'euros sur le Fonds d'Aide au Relogement d'Urgence pour équiper la police de gilets pare-balles !!!

Afin de justifier sa proposition, Valérie Pécresse a avancé un argument pour le moins surprenant: « ... Pour moi, en tant que ministre du budget, chaque euro doit être dépensé »
On croit rêver..
Le gouvernement Sarkozy nous parle à longueur de journée de réduction des déficits et de maîtrise des dépenses publiques. On nous inflige deux plans de rigueur. On nous bassine avec la règle d'or . On nous demande chaque jour de nous serrer un peu plus la ceinture.
Qu'à cela ne tienne... Faites ce que je dis, pas ce que je fais.
Pour la ministre du budget, « Chaque euro doit être dépensé...»
Quel cynisme ! Quelle hypocrisie !
Et dépensé comment ? Peu importe. Il faut dépenser coûte que coûte. Cela ne gêne absolument pas le gouvernement de détourner des fonds de l'utilisation pour laquelle on les avait initialement prévus et de les consacrer à complètement autre chose.

Le rapporteur général de la commission des finances, l'UMP Gillez Carrez, s'est lui même vivement élevé contre cette proposition, ainsi que le député Jean-Pierre Brard (1).
« Si encore, madame la ministre, vous aviez proposé, compte tenu de la situation dramatique des SDF, de troquer une partie des crédits pour le relogement d'urgence contre des couvertures chauffantes, j'aurais compris. Mais contre des gilets pare-balles, non ! Le ridicule a ses limites, même si je sais comme vous tous que, depuis Mme de Sévigné, il ne tue plus, hélas ! ».

Quelques jours plus tard, face à la menace de dégradation des triple A par Standard and Poor's, Valérie Pécresse a appelé les pays européens à une « union monétaire et budgétaire complète ».
« Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour garder le triple A par une stratégie de désendettement... »
... Et de protection de nos policiers, aurait-elle pu ajouter. On n'est jamais assez prudent en ces temps de crise.

On ne sait pas encore si elle a proposé d'équiper d'autres polices européennes de gilets pare-balles avec les fonds du relogement d'urgence. Mais si on observe les conséquences des plans de rigueur en Grèce et les émeutes quotidiennes qu'ils déclenchent, on comprend mieux la logique gouvernementale qui consiste à protéger les policiers au détriment des mal logés.

L'extrait de la séance : (2)
Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 439 portant article additionnel après l'article 23.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il s'agit de soutenir les communes pour l'acquisition de gilets pare-balles destinés à équiper les polices municipales.
Il est donc proposé d'élargir les missions du fonds d'amorçage pour l'équipement des communes au titre du procès-verbal électronique institué l'année dernière et doté de 7,5 millions d'euros.
M. Jean-Pierre Brard. Quel rapport entre le procès-verbal électronique et les gilets pare-balles ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette dotation sera complétée par 2 millions d'euros prélevés sur les excédents du fonds d'aide au relogement d'urgence.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je ne suis pas favorable à cet amendement, madame la ministre. On financerait ces gilets pare-balles en prélevant 2 millions d'euros sur le fonds pour le relogement d'urgence. Franchement, ce n'est pas possible.
Je sais bien que le FARU a un excédent, que l'on a d'ailleurs déjà utilisé pour abonder la DGF. Mais aller prélever de l'argent destiné au relogement d'urgence pour financer des gilets pare-balles, même si ce sont ceux des polices municipales, non !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le fait est que les 5 millions d'euros prélevés sur le FARU ne seront pas dépensés d'ici la fin du mois. Nous pensons qu'ils seraient mieux utilisés dans le cadre de l'acquisition des gilets pare-balles. Ces crédits nous ont été demandés par les communes.
Vous savez combien il est difficile...
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Qu'ils les trouvent sur les crédits ad hoc.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le rapporteur général, pour moi, en tant que ministre du budget, chaque euro doit être dépensé. Voilà, c'est tout.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Cette proposition est invraisemblable. Je ne sais pas lequel de vos conseillers a eu cette idée, madame la ministre, mais si nous décernions comme le Canard enchaîné des « Noix d'honneur », il y aurait droit ! Vis-à-vis de l'opinion, vis-à-vis des associations, troquer des crédits destinés au relogement d'urgence contre des gilets pare-balles...
Si encore, madame la ministre, vous aviez proposé, compte tenu de la situation dramatique des SDF, de troquer une partie des crédits pour le relogement d'urgence contre des couvertures chauffantes, j'aurais compris. Mais contre des gilets pare-balles, non ! Le ridicule a ses limites, même si je sais comme vous tous que, depuis Mme de Sévigné, il ne tue plus, hélas !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Comme l'heure est tardive et que les députés ont le droit de rentrer chez eux pour le week-end - même si les ministres, dont la ministre du budget, devront être présents au Sénat, puisqu'il siègera demain et dimanche -,...
M. Jean-Pierre Brard. Vous avez toute notre compassion, madame la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. ...et compte tenu du souci que vous exprimez de ne pas toucher aux excédents, qui ne seront pas dépensés, du fonds d'aide au relogement d'urgence, je vous propose de rectifier l'amendement et de simplement élargir les missions du fonds d'amorçage pour l'équipement des communes au titre du procès-verbal électronique institué l'année dernière et doté de 7,5 millions d'euros, sous plafond du fonds d'amorçage du procès-verbal électronique.
Mme la présidente. L'amendement n° 439 est donc rectifié. Le 2° est supprimé, et le 3° devient le 2°.

(1) http://blogs.mediapart.fr/blog/julien-thery/281010/magnifique-discours-lassemblee-sur-la-contre-reforme-des-retraites
(2) http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120076.asp#P5692_0803