C’est un campement géant en plein centre-ville de Lyon, à deux pas de la gare de Perrache. 300 demandeurs d’asile dont une centaine d’enfants occupent 120 tentes. La scène est hallucinante, il faut le voir pour y croire. Mercredi 16 octobre, le Grand Lyon assigne les familles au tribunal pour demander leur expulsion immédiate.
L’expulsion: une priorité électorale
Gérard Collomb est candidat à sa propre succession à la
mairie de Lyon. Expulser de leur lieu de vie 300 demandeurs d’asile semble
constituer pour lui une priorité absolue dans sa pêche aux voix. Pour ceux qui
en doutent, il suffit de regarder le bond spectaculaire de la côte de
popularité de Valls chez les électeurs UMP et FN. Collomb fait le même calcul.
Plus je tape sur les étrangers et les pauvres, plus j’ai de chance de gagner
des voix chez les électeurs de droite. Il singe même son idole :
« ces populations n’ont pas vocation à s’intégrer » déclare-t-il à
propos des Roms et des demandeurs d’asile. (1)
Pour les électeurs de gauche, il doit les croire
suffisamment dociles pour se permettre de s’asseoir à ce point sur tout ce qui
différenciait le PS de l’UMP, Hollande de Sarkozy et Valls d’Hortefeux ou
Guéant… Mais çà, c’était avant. Avant mai 2012.
Collomb est donc prêt à tout, même à s’inventer des titres
de propriété pour pouvoir expulser des pauvres.
Femmes de ménages, vous êtes riches
Pour demander l’expulsion d’occupants sans droit ni titre,
encore faut-il être propriétaire des lieux occupés. Naturellement me
direz-vous. Et bien non. Pas pour Gérard Collomb.
Nos 300 demandeurs d’asile occupent un lieu improbable, en
pente, situé sous l’autoroute A6 qui traverse Lyon. On a beau chercher dans
tous les sens, on ne voit pas comment on pourrait inclure cette parcelle dans
le domaine public routier qui relèverait de la compétence du Grand Lyon.
Autoroutier à la limite, mais routier certainement pas.
C’est mal connaître notre Gérard et ses avocats. Quoi ?
Ce n’est pas moi le patron ? Je n’ai pas de titre de propriété ?
Attendez, je vais trouver quelque chose. Voilà, j’ai trouvé la preuve :
« Ce qui démontre notre qualité pour agir, c’est le fait qu’on assure
l’entretien. On n’entretient pas ce qui nous appartient pas » clame haut
et fort l’avocat.
Elle est pas bonne celle-là ?
Faites gaffe. Demain, votre femme de ménage pourrait très
bien, au nom de la jurisprudence Collomb réclamer votre expulsion sous prétexte
qu’elle assure l’entretien de votre appartement.
Avant on disait : « possession vaut titre ».
Maintenant, grâce à Collomb on dira : « entretien vaut titre »
Faire des ménages va devenir une profession extrêmement
lucrative. Merci Gégé de revaloriser ainsi les métiers de pauvres. Ca c’est du
socialisme.
Plus sérieusement. Cette affaire nous démontre jusqu’où un
élu dit socialiste est prêt à aller pour récolter quelques voix
supplémentaires. A moins que ce ne soit une manœuvre pour éviter à son copain
le préfet d’avoir à monter en première ligne. Si le Grand Lyon n’a en effet
aucune qualité pour assigner les demandeurs d’asile, c’est le préfet qui devra
le faire. Mais là, se pose un autre problème.
Un préfet qui viole les droits des plus démunis
Le préfet est responsable de la situation à 3 titres. Si 300
demandeurs d’asile sont en train de pourrir dans la rue en attendant des mois,
voire des années qu’on statue sur leur demande d’asile, c’est parce que le
préfet en a décidé ainsi. En leur qualité de demandeurs d’asile, ces personnes
devraient être en CADA (Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile) et non sous un
pont. Le préfet a beau nous expliquer en pleurant qu’il n’a pas de moyens
suffisants pour les héberger, on sait qu’il en trouve pour mettre à l’hôtel des
citoyens communautaires en attendant de les expulser. (2)
En leur qualité de sans-abri, ces personnes en situation de
précarité ont droit à un hébergement d’urgence. C’est l’article L 345-2-2 du
code de l’action sociale et des familles qui précise que « toute personne
sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à
tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence »
Enfin, et ce n’est pas une blague, si ces personnes sont là
aujourd’hui, c’est parce qu’elles y ont été conduites par la police début
juillet 2013, suite à leur expulsion de la place Carnot, située à quelques
centaines de mètres de là.
On attend donc avec impatience de voir le préfet demander à
la justice l’autorisation d’expulser des familles dont il viole tous les jours
les droits en refusant de les héberger.
Où est passé l’argent ?
La circulaire du 26 août 2012, relative à
« l’évacuation des campements » prévoit explicitement que tous les
campements doivent faire l’objet d’un diagnostic sanitaire, social, médical
avant de procéder à leur évacuation.
Cette circulaire, signée par 7 ministres, dont Valls,
devrait donc être appliquée ici comme ailleurs. Le campement existe depuis
juillet 2013. On veut bien que le préfet et Gégé partent en vacances, mais au
bout de 3 mois et demi, il faudrait peut-être vous réveiller les gars.
Sur le terrain, mais comme partout ailleurs dans
l’agglomération lyonnaise, personne n’a vu la moindre association mandatée pour
appliquer le volet prévention et diagnostic de cette fameuse circulaire qui
reste lettre morte à Lyon.
Le cabinet du Préfet Régnier a pourtant dégagé des moyens
financiers importants : 4 millions d’euros au niveau national. A Lyon,
personne ne sait ou est passée l’argent. Gégé, si tu as une idée ?
Monsieur le préfet ?
Expulser pour leur plus grand bien
Alors, maintenant que personne n’a respecté la loi
(obligation d’héberger des demandeurs d’asile) ni la circulaire (aucun
diagnostic individuel), Gérard Collomb, à travers son avocat vient supplier le
juge de lui accorder « l’expulsion » en urgence.
Au passage, il faut voir avec quelle insistance l’avocat de
Gégé explique au juge qu’il s’agit d’une demande d’expulsion et non
d’évacuation… Et oui, évacuation on applique la circulaire, expulsion on tire
la chasse. D’habitude c’est l’inverse, mais sur ce coup, ça n’arrangeait pas
notre socialiste lyonnais en chef.
Voilà donc l’avocat du Grand Lyon en train d’expliquer le
caractère d’urgence absolue : « il est impossible et impensable de
maintenir ces personnes dans de telles conditions de dénuement, d’insalubrité
et d’insécurité »… Donc … je demande leur expulsion immédiate.
La logique est imparable, n’est ce pas ?
300 personnes dont 100 enfants sont sous un pont dans des
conditions déplorables depuis plus de 3 mois, alors pour leur bien, on va les
mettre… A la rue, sous la pluie sans le pont pour les abriter… Et en urgence s’il vous plait. On a attendu 3 mois,
mais là, on peut plus.
C’est beau le socialisme à la sauce lyonnaise, non ?
La mafia des poubelles
Le plus croustillant, c’est que, histoire d’améliorer leurs
conditions de vie « abominables », les demandeurs d’asile ont demandé
des barrières de sécurité et des poubelles. Devinez la réponse du Grand Lyon.
Allez-vous faire foutre. Pardon, ça c’était le fond de la pensée. La réponse a
été : ah ben non, si on vous met des poubelles et des barrières on va
pérenniser le campement… Et, « favoriser le trafic de poubelles »
On a du mal à rester sérieux, non mais franchement, Gégé,
qu’est ce que tu vas nous chercher là ? Les pauvres se revendent entre eux
tes poubelles ? Ils font quoi avec ? Ils dorment dedans ? Ils
foutent un moteur et les font passer pour des 4 x 4 ? Ils les transforment en
bateau pour naviguer sur la Saône ? Non mais arrête de nous prendre pour
des débiles. Il y a des limites quand même.
Non seulement Collomb favorise et entretient la misère pour
mieux nous expliquer ensuite qu’il est urgent, pour le plus grand bien des
personnes, de les jeter à la rue dans des conditions encore plus abominables,
mais en plus il nous fait le coup des mafias. La mafia des poubelles… On aura
tout vu.
La chasse aux pauvres et aux étrangers
Jeudi 17 octobre, c’est la journée internationale du refus
de la misère. Sur le site de la ville de Lyon on peut trouver la promotion de
cette journée. (3) Le thème choisi cette année : « la discrimination
fondée sur la précarité sociale ». On croit rêver. Ces élus socialistes
détiennent vraiment la palme de l’hypocrisie. La veille, Gérard Collomb réclame
à un juge l’autorisation de jeter à la rue
300 personnes dont 100 enfants. Aujourd’hui, il organise avec des
associations bienveillantes un grand débat sur la discrimination et la
précarité sociale.
A Lyon, comme partout ailleurs en France, on prétend
combattre la pauvreté en pourchassant les pauvres.
Les municipalités socialistes mettent les bouchées doubles
en stigmatisant les étrangers et en soutenant les déclarations racistes de
Manuel Valls. Gérard Collomb, maire de droite dans un ville de droite vient
d’obtenir l’investiture du Parti Socialiste pour porter ses valeurs, pardon ses
couleurs.
Avec leur politique raciste et discriminatoire à l’encontre
des pauvres et des étrangers, les socialistes sont devenus les principaux
vecteurs des idées d’extrême droite. Ils s’évertuent un peu plus chaque jour à
dérouler le tapis rouge au Front National qui n’en demandait pas tant. A Lyon, Gérard Collomb joue avec le feu. Il reprend les thèses du Front
National dans l’espoir de le faire grimper suffisamment pour battre le candidat
UMP dans une triangulaire.
Hier, il nous a servi une nouvelle recette de quenelle
lyonnaise : la mafia des poubelles. Avec une telle stratégie on peut être
certain que les municipales seront sanglantes. Du sang bleu Marine partout.
(1)
http://www.lyoncapitale.fr/Journal/Lyon/Politique/Ville-de-lyon/Pour-Collomb-les-Roms-n-ont-pas-vocation-a-s-integrer
(2) http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-alain/070913/expulsions-de-roms-la-france-innove
(3)
http://www.lyon.fr/actualite/solidarite/journee-mondiale-du-refus-de-la-misere.html
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