Dimanche 1er octobre, deux jeunes femmes sont mortes
assassinées à la gare de Marseille Saint-Charles. Leur agresseur venait d'être
libéré la veille après une garde-à-vue à Lyon alors qu'il était en situation
irrégulière sur le territoire français.
Dès le lendemain, le Procureur de Paris, François Molins
détaillait le parcours de l'assassin et donnait des éléments sur son profil. On
apprenait ainsi qu'il avait fait l'objet d'une
interpellation à Lyon le vendredi 30 septembre pour un vol à l'étalage
et qu'il avait passé un peu moins de 24 heures en garde-à-vue. Comme tout
étranger en situation irrégulière, il a donc fait l'objet d'une vérification de
sa situation administrative qui aurait dû conduire les autorités à lui
signifier une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Compte tenu
de ses déclarations et en particulier du fait qu'il se disait sans domicile
fixe, il aurait également dû faire l'objet d'un placement immédiat au centre de
rétention de Lyon.
Mais voilà, rien ne s'est passé "normalement" ce
jour-là. Lors de sa conférence de presse, le Procureur explique tout simplement
que: "les autorités préfectorales locales n'ont pas été en mesure de
prendre une décision d'éloignement à son encontre". (1)
Selon le journal Le Parisien et l'AFP, deux explications
sont avancées: le centre de rétention de Lyon Saint-Exupéry aurait été saturé. «
Il y avait un problème de disponibilité de place en rétention le samedi matin »
déclare une source au Parisien. D'autre part, «la personne de
permanence à la préfecture du Rhône, ayant autorité pour signer l'obligation de
quitter le territoire et le placement en centre de rétention de l'assaillant de
Marseille, était absente», selon une source de l'AFP.
En résumé : il n'y avait plus de place et de toutes façons,
il n'y avait personne pour signer un bout de papier... Et oui, tenez vous bien.
En 2017, en plein état d'urgence, deux jeunes femmes sont mortes assassinées à
coups de couteaux parce qu'il n'y avait personne pour signer un papier qui
aurait permis d'enfermer leur meurtrier...
De deux choses l'une: soit on nous prend pour des imbéciles,
soit on nous ment.
On nous prend pour des imbéciles
Les OQTF sont signées par le préfet ou par les personnes
ayant une délégation de signature à cet effet. Si on croit la version
officielle servie par les médias, le fonctionnaire de permanence était absent
et donc personne n'a pu signer l'OQFT et le placement en rétention... Autrement
dit, la personne de permanence n'était pas à la permanence.
On nous explique aussi que le centre de rétention était
plein. Ah oui, vous ne saviez pas ? Pour tous les étrangers en situation
irrégulière qui doivent être mis en rétention, il n'y a qu'un seul centre en
France et il se trouve à Lyon. Quand le centre de rétention de Lyon est plein,
on relâche dans la nature tous les clandestins... Incroyable, non ?
On nous ment
Le terroriste a été arrêté vendredi après-midi et libéré
samedi après-midi. Dès son interpellation, les policiers ont donc pu constater
qu'il était en situation irrégulière. Les services de la préfecture ont donc eu
pratiquement 24 heures pour lui signifier une OQTF et son placement en
rétention. Autrement dit, la seule personne de permanence habilitée à signer
pour le préfet était absente de vendredi après-midi à samedi après-midi ? De
qui se moque-t-on ? De son côté, la préfecture du Rhône rappelle dans un
communiqué officiel que: "En complément de la permanence assurée par un
membre du corps préfectoral 24 heures sur 24, la préfecture du Rhône tient les
samedis, dimanches et jours fériés une “permanence éloignement” de 9h à 17h,
destinée à prendre les mesures nécessaires lorsque des étrangers en situation
irrégulière (ESI) sont interpellés."
Non, le centre de rétention n'était pas plein
On voudrait aussi nous faire croire que le centre de
rétention de Lyon était plein. D'après plusieurs sources concordantes, le
centre de rétention a bien reçu des étrangers en situation irrégulière samedi
30 septembre. Selon LCI, il y avait même 3 places disponibles samedi
après-midi. (3) Par conséquent, affirmer
qu' "il y avait aussi un problème de disponibilité de place en
rétention le samedi matin" est un mensonge pur et simple.
Donc récapitulons. Il y avait bien de la place au centre de
rétention le samedi après-midi. Il y avait bien quelqu'un à la "permanence
éloignement" selon la préfecture. Pourtant l'assassin a été relâché.
Qu'on nous prenne pour des imbéciles ou qu'on nous mente,
deux jeunes femmes viennent de payer de leur vie l'incompétence et
l'inconséquence des services de l'Etat.
Non, il ne s'agit pas d'un dysfonctionnement isolé
Si on nous ment depuis dimanche sur cette affaire c'est tout
simplement parce que ce genre de dysfonctionnement se produit beaucoup plus
souvent qu'on voudrait nous le faire croire. Après la thèse du centre de
rétention saturé qui ne tient pas une seconde, on va nous servir la fable du
fonctionnaire malade qui n'a pas été remplacé. Tout cela est ridicule. La
réalité, c'est que l'Etat français est aujourd'hui totalement incapable de
maîtriser sa politique migratoire.
Combien de sans-papiers sont relâchés parce que la
préfecture est injoignable faute de personnel pour répondre au téléphone ?
Combien d'OQTF ne sont pas rédigées parce que l'identité de la personne n'a pas
pu être établie avec certitude ? Combien d'OQTF sont réellement exécutées ?
D'après un rapport de la Cour des Comptes de 2015, seulement 4% des déboutés
d'asile sont réellement expulsés... oui, vous avez bien lu. 4%
A force de travailler sans moyens, sans budget et sans
résultats, il n'est pas surprenant que les fonctionnaires gèrent les priorités.
Un pauvre type, toxicomane, avec 7 identités différentes, qui a volé quoi ? Une veste à 39 € ? Il n'a pas de casier judiciaire ? Il n'est pas fiché
S ? Ben laisse tomber... De toutes façons, on n'a pas les effectifs pour
l'amener au centre de rétention. De toutes façons, il ne sera pas expulsé parce
que la Tunisie n'en voudra pas. De toutes façons, ils nous emmerdent avec leurs
discours, ils n'ont qu'à nous donner les moyens de travailler correctement.
Voilà en gros ce qui doit se dire très souvent dans tous les
services concernés et pas seulement à Lyon. Sauf que cette fois, ça c'est très
très mal terminé.
Aucune réponse judiciaire, aucune réponse administrative
Dans cette affaire, le meurtrier était entre les mains de la
police 24 heures avant de passer à l'acte.
Le Procureur avait des éléments pour prolonger sa garde-à-vue et la
préfecture avait des éléments pour le placer en rétention. Pourtant, il n'y a
eu contre lui, ni réponse judiciaire, ni réponse administrative. Il a été
relâché, il a pris tranquillement le train le lendemain matin pour Marseille et
il a sauvagement assassiné deux jeunes femmes sur le parvis de la gare, un des
endroits les plus surveillés de France.
Voilà à quoi ressemble la France aujourd'hui. En plein état
d'urgence, à quelques heures du vote d'une loi liberticide qui n'empêchera
aucun terroriste de tuer mais qui permettra au gouvernement de mettre sous surveillance tous les citoyens, deux jeunes femmes sont mortes, assassinées par un
terroriste, parce que l'Etat français ne fonctionne plus.
Les explications mensongères qui tournent en boucle dans les
médias depuis dimanche n'ont qu'un seul objectif : dissimuler la totale incapacité
de l'Etat à nous protéger réellement contre les terroristes.