Dans une tribune publiée par le journal « Le Monde » du 14 août 2012,
intitulée: « Le gouvernement a raison de démanteler les campements
illicites de Roms », 10 «élus locaux de gauche» dont la plupart sont en
réalité membres du parti socialiste affichent leur soutien à Manuel
Valls. (1)
En désignant expressément des personnes en fonction de leur
origine ethnique dans le titre même de leur tribune, ces élus opèrent
une discrimination insupportable qui nous rappelle les pires heures du
sarkozysme: le discours de Grenoble et la circulaire du 5 août 2010
censurée par le Conseil d’Etat.
L’encouragement à la poursuite des démantèlements de « campements de
Roms » est donc un appel contre les Roms encore plus stigmatisant que la
circulaire du 5 août qui ordonnait aux préfets d’engager une « démarche
systématique de démantèlements des campements, en priorité ceux des
Roms ».
Sarkozy et Hortefeux démantelaient les campements, « en priorité ceux des Roms ».
Hollande et Valls, eux, démantèlent uniquement les campements des Roms.
On notera au passage que cette tribune est un désaveu cinglant, par
son propre camp, de la stratégie de communication de Manuel Valls qui
s’époumone depuis plusieurs jours à essayer de nous faire croire que sa
politique n’est pas ciblée contre les Roms.
Cette tribune qui vise nommément une minorité ethnique est ensuite la
démonstration affligeante que certains élus de la République ignorent
notre Constitution, qui, dans son article premier assure l'égalité
devant la loi pour tous, sans distinction d'origine, de race ou de
religion… On ne peut donc pas cibler telle ou telle catégorie en
fonction de son origine et demander l’application de la loi uniquement
pour cette catégorie. C’est contraire à la Constitution et cela a été
condamné par le Conseil d’Etat en avril 2011, saisi à l’époque par
S.O.S. Racisme. (2)
D’autre part, les élus signataires de cette tribune ignorent
totalement la réalité du terrain, ce qui pose une grave question. Ils
affirment en effet que des consignes ont été données aux préfets pour
qu’un travail de concertation permettant de proposer des solutions
d’hébergement soit effectué avec les associations et les élus locaux
lors des démantèlements.
Sur le terrain, plus de 1 000 personnes ont été expulsées de leurs
lieux de vie en quelques jours. Aucune d’entre elle n’a reçu la moindre
proposition d’hébergement comme en témoigne un courrier de Romeurope au
premier ministre. (3)
D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement alors que toutes
les structures d’hébergement d’urgence sont saturées et que les services
du 115 croulent sous les demandes depuis plusieurs mois ?
En ce qui concerne la concertation avec les élus locaux, Martine
Aubry elle-même ne décolère pas depuis qu’elle a appris par la presse le
démantèlement d’un camp de l'agglomération lilloise alors qu’elle
s’emploie depuis plusieurs années à mener une politique d’accompagnement
des populations Roms sur son territoire. Bel exemple de concertation …
(4)
Alors de deux choses l’une. Soit aucune consigne n’a jamais été
donnée aux préfets et cette tribune est mensongère, soit des consignes
ont été données et les préfets ne les appliquent pas.
Dans les deux cas, cela montre des dysfonctionnements très graves qui méritent des explications et des corrections.
Enfin, cette tribune souligne que la décision de la Commission
européenne de placer la France sous surveillance en raison des
conditions dans lesquelles se font les opérations d’expulsions est bien
naturelle. Elle précise même que la volonté du gouvernement est d’agir
en toute transparence en répondant à toutes les demandes d’information.
Si le gouvernement socialiste souhaite vraiment la transparence,
pourquoi ne pas inviter la Commission et les parlementaires européens à
visiter les nouveaux camps de fortune dans lesquels se sont réinstallés
les Roms après leur expulsion ? Ils sont faciles à trouver. Ils sont
souvent situés à quelques centaines de mètres des anciens camps et les
conditions de vie y sont encore plus précaires. (5)
Allez, messieurs les élus, ne vous contentez plus de parler ou
d’écrire, passez aux actes et invitez donc officiellement des
observateurs européens à assister aux expulsions que vous faites
réaliser sur vos propres communes. Ils pourront ainsi constater la
réalité des traques policières qui s’ensuivent et l’inexistence des
propositions de relogement dont vous parlez.
C’est en mettant en accord vos paroles et vos actes que vous
grandirez votre parti, pas en stigmatisant à votre tour la minorité
ethnique la plus importante et la plus persécutée d’Europe dans l’unique
espoir de récolter quelques voix d’électeurs racistes pour conserver
vos sièges d’élus locaux.
(1) http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/08/14/le-gouvernement-a-raison-de-demanteler-les-campements-illicites-de-roms_1745996_3232.html
(2) http://www.conseil-etat.fr/fr/communiques-de-presse/campements-illicites-de-roms.html
(3) http://www.romeurope.org/IMG/pdf/CourrierRomeurope-1.pdf
(4) http://www.leparisien.fr/politique/roms-la-colere-de-martine-aubry-contre-manuel-valls-18-08-2012-2129144.php
(5) http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-alain/110812/enfants-roms-lautre-tweet-de-valerie
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire